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Le Gravier de Gargantua
Plus connu sous l'appellation « Gravier de Gargantua », le menhir de Port-Mort se trouve sur la D313 à l'entrée du village sur la gauche en venant de Gaillon ou des Andelys, en face de l'entrée de l'usine Alland & Robert.
Le "gravier", situé sur une propriété privée, est classé monument historique depuis le 10 janvier 1923 ce qui implique un périmètre de protection de 500 m applicable aux règles d'urbanisme (toute démarche concernant une propriété sise dans le périmètre de protection implique la consultation des Bâtiments de France ce qui allonge la durée légale de traitement des dossiers d'un mois).
Grâce à l'implication de l'Association de Sauvegarde du Site de Port-Mort (ASSPM) le propriétaire du terrain a concédé la mise à disposition gracieuse d'une zone accessible au public autour du gravier que l'association a agrémenté de végétaux décoratifs ainsi que d'une clôture en bois en 2016.
Menhir ?
Un menhir est un monument mégalithique constitué d'un grand bloc de pierre dressé intentionnellement par les hommes du néolithique. Il démontre ainsi la présence d'établissements de l'époque celtique. La Seine à cette époque est la frontière sud du peuple des Véliocasses dont le nom se retrouve dans Vexin. Les Véliocasses occupaient la rive droite depuis l'Epte jusqu'à la vallée de la Sainte Austreberthe, à l'ouest de Rouen. Au-delà s'étendait le pays des Calettes dont dérive le mot « Caux », pays de Caux. On a retrouvé de très nombreux habitats celtiques autour des Andelys et spécialement dans les forêts environnantes sur le bord du plateau. Ainsi à Richeville, Cantiers, Villers. Plus près de Port-Mort, à Hennezis, Bucaille, Guisenier, Mézières, à Pressagny l'Orgueilleux où il y a des restes de pavage, d'un puit, de murailles. A la limite même de notre commune sur le versant retombant sur Bouafles. Aucune de ces villas n'a fait l'objet de fouilles systématiques mais elles prouvent l'occupation ancienne et dense des plateaux encadrant la vallée. Songeons que les Véliocasses ont fourni 3 000 guerriers pour l'armée de secours qui s'est portée sur Alésia pour débloquer Vercingétorix, ce qui laisse supposer une population d'environ 15 000 à 20000 personnes au minimum.Pourquoi Gargantua ? Rabelais n'y est pour rien.
Il existe une légende, rapportée par la tradition orale et que deux auteurs ont contée dans des ouvrages datant respectivement de 1830 et 1879.• Le Prévost, en 1830 conte que Gargantua construisait la côte dite « Côte Frileuse » qui est devant le Château de Graville, quand il sentit un caillou dans sa chaussure. Il l'enleva et le lança loin derrière lui. Ce gravier retomba à son emplacement actuel.
• Le comte de Pulligny, en 1879 donne, pour sa part, une version légèrement différente. Selon lui Gargantua et Grandgousier étaient un jour dans la tant yolie ville de Mantes. Ce hardis voleurs enlevèrent leurs chevaux et se sauvèrent par le chemin suivant la Seine qui mène aux Andelys. Gargantua et Grandgousier firent donc grand haste pour rejoindre les larrons. Mais arrivé à Pormort Gargantua se trouva bien empesché, il s'assit sur le bord de la route et, ayant détaché son soulier, il en retira une pierre qu'il jeta en ce lieu au grand esbahissement des gens de Panilleuse qui revenaient du marché.
Les versions de Le Prévost et de Pulligny diffèrent peu, car il s'agit toujours d'un caillou oté d'une chaussure, mais dans les deux cas, il ne s'agit que d'une légende. Cette légende est certainement antérieure à Rabelais qui n'a fait qu'emprunter un mythe extrêmement populaire au Moyen-Age, celui du géant Gargan. Dans ces légendes, Gargan est toujours un colosse, un demi-dieu, mythe celtique correspondant au grec Hercule, ou au juif Samson.
• Le comte de Pulligny, en 1879 donne, pour sa part, une version légèrement différente. Selon lui Gargantua et Grandgousier étaient un jour dans la tant yolie ville de Mantes. Ce hardis voleurs enlevèrent leurs chevaux et se sauvèrent par le chemin suivant la Seine qui mène aux Andelys. Gargantua et Grandgousier firent donc grand haste pour rejoindre les larrons. Mais arrivé à Pormort Gargantua se trouva bien empesché, il s'assit sur le bord de la route et, ayant détaché son soulier, il en retira une pierre qu'il jeta en ce lieu au grand esbahissement des gens de Panilleuse qui revenaient du marché.
Les versions de Le Prévost et de Pulligny diffèrent peu, car il s'agit toujours d'un caillou oté d'une chaussure, mais dans les deux cas, il ne s'agit que d'une légende. Cette légende est certainement antérieure à Rabelais qui n'a fait qu'emprunter un mythe extrêmement populaire au Moyen-Age, celui du géant Gargan. Dans ces légendes, Gargan est toujours un colosse, un demi-dieu, mythe celtique correspondant au grec Hercule, ou au juif Samson.
Les celtes avaient en effet des Dieux. Dans cette mythologie celte il existait une déesse Belissima, vierge mais fécondée par l'esprit divin de Belen, qui engendra un fils qui fut « celui de la pierre géante ».
Or en langue celte,
• Pierre se dit GAR,
• géant, grand se dit GAN,
• celui, l'être, l'homme se dit TUA.
Celui de la pierre géante est donc en langue celte, « Gargantua ». Il n'est donc pas déraisonnable de penser que cette dénomination de Gargantua, que portent de nombreux mégalithes, a pour origine le nom de ce demi-dieu celte. Le gravier de Gargantua est donc, peut-être, la statue d'un dieu de l'époque et il pourrait avoir, dans ce cas, une origine religieuse.
La légende de Gargan est attachée très fréquemment à des rochers qu'il aurait déposé : en Bretagne de nombreux menhirs sont dits « Pierre de Gargantua ». Tout près de chez nous à Dormont, commune de Saint-Pierre de Baillol, Gargantua a renversé la terre qu'il transportait dans une hotte et cela a fait deux buttes. Les légendes localisent très fréquemment Gargan sur une colline dont il fait sa chaise dominant une rivière où il se baigne les pieds. Ainsi à Mont-Gargan, une des collines dominant Rouen, à Saint Adrien « le fauteuil de Gargantua », à Duclair « la chaise de Gargantua », au Thuit près des Andelys, Gargantua a un siège dit « le rocher à tête d'homme ».
Un célèbre dessinateur de BD ayant habité à Port-Mort a cédé au charme des légendes et a illustré l'instant...
Quelle est la signification de ce mythe?
Elle est double : patriotique et religieuse. Patriotique, Gargan est associé aux luttes des Gaulois contre les Romains et l'inventeur d'Astérix n'a fait que reprendre dans ses bandes dessinées la légende. Plus tard, pendant la Guerre de 100 ans, il se bat contre les Anglais. Dans certaines légendes il est même compagnon de Jeanne d'Arc. Rabelais lui aussi qui écrit à l'époque des guerres contre l'Empire de Charles Quint dresse Gargantua contre un autre géant Picrochole dans lequel tous les contemporains ont reconnu Charles Quint. Gargan c'est l'archétype du Gaulois, grand mangeur, coureur de jupons, querelleur, patriote à ses heures.Signification religieuse beaucoup plus discutée Gargan c'est le vieux fond celtique, païen. Il est souvent confondu avec Satan. Les Bénédictins ont dès le Haut Moyen-Age forgé le mot latin Gargantuates = « ceux de Gargan » = « la bande à Gargan », pour désigner les païens. Bref il faut voir dans ce menhir non seulement la preuve d'une occupation celtique, mais dans le nom qui lui a été donné le sentiment mitigé de fidélité populaire et de réprobation inspirée par l'Église que le peuple a conservé longtemps pour les anciens cultes celtiques.
Une borne de frontière ou de signalisation ?
Mais il peut, aussi, avoir une origine plus utilitaire. Nous sommes ici, à Port-Mort, en bordure de Seine et, dans les temps anciens, ce fleuve a présenté la particularité de pouvoir être traversé à gué. Il existe, en effet, au travers du lit de la rivière, une barre rocheuse dont on s'est d'ailleurs servi :1. A l'époque gallo romaine pour construire une route d'Eburovice (Evreux) à Bellovaci (Beauvais) franchissant la Seine à gué au droit de Châteauneuf.
2. Au siècle dernier pour établir un barrage destiné à élever le niveau de ce fleuve afin de faciliter la navigation.
Un gué traversant la Seine, c'est un itinéraire qu'il était peut-être bon de signaler pour faciliter les déplacements. C'est une hypothèse plausible.
Plus proche de nous, le dernier châtelain de Port-Mort, le Comte de Graville nous a appris que cette pierre a marqué, au Moyen Age, la limite entre le royaume de France et le Duché de Normandie. Cette limite a toujours été fluctuante mais à un certain moment, le gravier de Gargantua aurait servi de borne pour matérialiser cette frontière.
L'anectode.
Nous savons aussi par le Comte du Douet de Graville, que son arrière grand oncle a demandé, lorsqu'on a élargi la route, que l'on déplace le gravier de quelques mètres afin d'éviter sa destruction. Ce déplacement nous est confirmé par le Comte de Pulligny, dans son ouvrage de 1879. Il nous précise que l'ouvrier qui a été chargé de ce déplacement moyennant un salaire de 150 frs, a trouvé un moyen ingénieux de gagner cette somme en une seule journée. Il a en effet, cassé le monolithe au ras du sol, en laissant en terre un tronçon de un mètre ! Le morceau que nous voyons aujourd'hui n'est donc que la partie haute du monolithe original... Le Comte de Pulligny nous rassure cependant en rapportant que le Comte du Douet de Graville a pu obtenir que le monolithe déplacé soit replanté en respectant scrupuleusement son orientation primitive.Article rédigé à partir de textes de Jean Gallais et Raymond Simonet